mercredi 9 janvier 2013

QUE LES LIBRAIRES SE COUPENT LE SEIN



J'ai entendu ce jour d'hui, à la radio, le commentaire suivant : « Amazon tue les petits libraires indépendants. À cause d'Amazon, aujourd'hui, le consommateur ne comprend pas pourquoi il faut plus de deux jours pour avoir un livre. »

Ce commentateur a tout-à-fait raison. Si je veux faire vivre le libraire indépendant le plus proche de chez moi, je vais prendre mon véhicule, parcourir X kilomètres, chercher, trouver et payer du stationnement, marcher (sans doute sous la pluie) jusqu'à la librairie en question, y chercher l'ouvrage que je désire, constater qu'il n'y est pas, attendre dix minutes qu'un vendeur soit disposé à écouter ma requête, lui faire face et rester poli devant sa mine renfrognée (comment ça, je ne veux pas le dernier Musso ???), rester stoïque quand il va m'annoncer un délai de deux semaines, rester zen quand il va me demander un acompte de 50% sur le prix total (dont les 5% de remise possible ne sont pas déduits, et puis quoi encore !?!) « parce que vous comprenez, certains clients commandent un livre et une fois rentrés chez eux, ils l'achètent sur internet, et nous on reste avec leur livre sur les bras ! », retourner (toujours sous la pluie) jusqu'à mon véhicule et faire le trajet inverse pour rentrer chez moi. Et refaire le même périple quinze jours plus tard pour récupérer (peut-être) l'ouvrage en question.
Et pour avoir eu la bienveillance d'accepter des dépenses supplémentaires en temps et en argent afin de subvenir à ses besoins, le dit libraire aura la bonté extrême de glisser avec mon achat un mini-calendrier cartonné et publicitaire pour l'année à venir.

Chez Amazon, je ne prends pas ma voiture, je ne me fais pas saucer, je ne paye pas de stationnement, je vois immédiatement si l'ouvrage que je cherche est encore disponible et quel sera le délai de livraison, je ne paye rien de plus, et j'ai même droit à la fameuse remise de 5%. Je n'ai eu personne en face de moi, c'est vrai. Mais j'ai déjà une vie sociale, merci, je n'ai pas besoin de faire ami-ami avec chaque commerçant dont je fréquente la boutique.

Bref, dans un cas, acheter un livre est une galère potentielle, tandis que dans l'autre il n'y a qu'une transaction efficace et rapide. C'est triste mais c'est ainsi : le lecteur n'existe pas pour que vive le libraire. Et qu'on ne s'y trompe pas : le lecteur (le vrai) est un drogué qui a besoin de sa dose, là, maintenant, tout de suite. Et qu'importe le dealer. Si la dope est équivalente, moins chère et fournie plus rapidement, le lecteur ne se posera pas de question. Alors pourquoi choisir la librairie indépendante ? Quel libraire offre ne serait-ce qu'un café à ses clients ?  

Tant que les libraires n'apporteront rien de plus que ce qu'offre Amazon, ils fermeront boutique les uns après les autres. Tant pis.

2 commentaires:

  1. Horriblement d'accord... Avec ma femme on se disait qu'un jour peut être on ouvrirait peut être une librairie indep avec des ebook reader à dispo chargé (gratuit) avec les livres libres de droit FR + toutes les preview des sortie du mois à dispo.

    Et café/boisson sandwitch (payant) pour passer un bon moment... achat ou pas ^^

    Bref, a continuer le modèle eco actuel, ca sent le virgin ... 20 ans de retard et après on se pose des questions...

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    1. Le souci, c'est au contraire qu'on ne se pose pas de questions ! on appelle juste "papa" au secours (comprendre "l'État") pour qu'il décide de qui a le droit de "diffuser" (comprendre "vendre") de la culture, à qui, comment, où, etc. Aurélie Filippetti a affirmé que la Culture appartenait au domaine régalien de l'État : ça veut bien dire que seul l'État décide de ce qui est culture et de ce qui ne l'est pas, et des conditions dont cette culture sera distillée auprès du bon peuple. Les artistes, eux, peuvent aller se faire voir. La preuve, puisque la même a dit "ce sont les éditeurs qui font la littérature". J'invite les éditeurs à publier leurs mémoires, et accessoirement leurs regrets.

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